Créer l’harmonie
parfaite sur un instrument sans défaut : une leçon
de physique au service de la beauté. Tout est question de
matériaux, d’impulsion, de résonance et de vibrations…
Bref, une histoire d’ondes sonores, qu’acousticiens
et musiciens, avec la même magie, font voyager dans l’invisible.
Quoi : Le
Noir de l’Etoile (1989 – 1990) de Gérard Grisey
est une œuvre musicale unique qui décrit la rencontre,
à une heure précise et en temps réel, entre
une étoile mourante qui émet ses derniers signaux,
un gigantesque radiotélescope qui l’écoute et
six musiciens qu’elle guide. Une partition à deux mains
pour un compositeur visionnaire et un astrophysicien poète.
Un excellent prétexte pour aborder la physique sur une note
originale…
Science :
physique, astronomie
L’astrophysicien Jean-Pierre Luminet, qui a
collaboré à sa création, signe, sur la couverture
de l’album, le texte suivant :
[…]
Les étoiles plus massives que le Soleil connaissent
une fin plus spectaculaire. Elles explosent dans une cataclysmique
explosion de supernovae ; leur enveloppe est soufflée dans
l’espace à des vitesses de plusieurs milliers de
kilomètres par seconde, tandis que leur cœur s’effondre
sur lui-même pour former des résidus fantastiquement
concentrés, tournant sur eux-mêmes à une vitesse
folle : des étoiles à neutrons, qui se révèlent
aux astronomes sous forme de pulsars en émettant de brèves
impulsions périodiques dans le domaine radio. Parfois,
les étoiles effondrées peuvent engendrer des trous
noirs, dont même la lumière ne peut plus sortir.
Les
pulsations électromagnétiques d’un pulsar
reçues par un radiotélescope tel celui de Nançay
peuvent être transformées en signaux sonores ;il
s’agit là d’une opération de décodage
simple, exempte de manipulations studio. L’auditeur perçoit
alors le rythme brut d’un pulsar qui a mis plusieurs milliers
d’années pour parvenir sur Terre. L’expression
« son des pulsars » est bien entendu métaphorique.
Les ondes acoustiques ne se propagent pas dans le quasi-vide interstellaire.
En revanche, les ondes électromagnétiques –
lumière visible ou invisible à nos yeux –
nous parviennent des astres les plus lointains et jouent le rôle
du son. Le chant du ciel est un chant de lumière. Les astronomes
ont des oreilles géantes pour écouter le ciel et
enregistrer son cri. Ils ont construit des télescopes pour
capturer la lumière visible ; puis ils ont inventé
des radiotélescopes, ils ont lancé en orbite au-dessus
de l’atmosphère des détecteurs de rayonnement
X, gamma et infrarouge.
[…] La musique
de Grisey est bien à l’image des astres : tour
à tour rythmique, violente, lancinante, incessamment recommencée.
Parfait reflet de l’astronomie moderne, qui a dévoilé
la fureur cosmique et renvoyé la fragile harmonie des sphères
de Pythagore et Kepler dans la cohorte des illusions d’une
humanité innocente et ignorante.
Le compositeur Gérard Grisey lui répond
en ces mots :
Lorsqu’en 1985,
je rencontrai à Berkeley l’astronome et cosmologiste
Joe Silk, il me fit découvrir les sons des pulsars. Je
fus séduis par ceux du pulsar de Vela et immédiatement,
je me demandai à la manière de Picasso ramassant
une vieille selle de bicyclette : « Que pourrais-je
bien en faire? ».
La réponse vint
lentement : les intégrer dans une œuvre musicale
sans les manipuler, les laisser exister simplement comme des points
de repères au sein d’une musique qui en serait en
quelque sorte l’écrin ou la scène, enfin utiliser
leurs fréquences comme tempo et développer les idées
de rotation, de périodicité, de ralentissement,
d’accélération et de « glitches »
que l’étude des pulsars suggère aux astronomes.
La percussion s’imposait parce que, comme les pulsars, elle
est primordiale et implacable, et, comme eux, cerne et mesure
le temps, non sans austérité. Enfin, je décidai
de réduire l’instrumentarium aux peaux et métaux
à l’exclusion des claviers.
Une rencontre avec l’astrophysicien
Jean-Pierre Luminet, un scientifique artiste www.spst.org/pluiedescience/1205
• La gamme
des physiciens
Quoi : le
grand médecin et physiologiste allemand Helmholtz (1821-1894)
a écrit :
Les
particularités de la gamme naturelle (ou gamme des physiciens)
se manifestent surtout dans l’ancienne musique italienne
de Palestrina, Vittoria, Gabrieli et leurs contemporains. Ces
œuvres réclament les consonances les plus justes parce
qu’elles n’obtiennent les nuances les plus délicates
de l’harmonie que par les renversements des accords, l’alternance
des accords majeurs et mineurs, et un petit nombre de dissonances
formées par des retards. Exécutées dans la
gamme tempérée, elles perdent tout sens et toute
expression, tandis que, grâce à l’emploi de
la gamme naturelle, elles produisent souvent sur l’harmonium
un bon effet.
Science :
physique (pourquoi « gamme des physiciens »?),
psychoacoustique
Quoi :
le thérémin, inventé par le Russe Léon
Theremin en 1919, est l’un des tous premiers instruments électroacoustiques.
Un instrument étonnant, car on y joue sans y toucher! Composé
d’un boîtier électronique équipé
de deux antennes, le thérémin
a la particularité de produire
de la musique sans aucun contact physique de l’instrumentiste.
Dans sa version la plus répandue, on contrôle la hauteur
de la note de la main droite, en faisant varier sa distance par
rapport à l’antenne verticale. L’antenne horizontale,
en forme de boucle, est utilisée pour faire varier le volume
selon sa distance par rapport à la main gauche.
Science :
physique (principe de fonctionnement de l’instrument), lutherie
expérimentale, « chercheurs de sons »,
nouveaux instruments, matériaux, facture musicale, organologie
(science des instruments), etc.
Musique :
utilisé dans de nombreux genres (musique contemporaine, films,
variétés, etc.). Les ondes
Martenot sont basées sur le même principe.
Dans les années 1950, le thérémine a été
largement utilisé pour créer les ambiances sonores
des films de science-fiction. On le retrouve depuis régulièrement
dans la musique populaire ou électronique, ainsi que le jazz.
Les Beach Boys ou Led Zeppelin l’ont aussi utilisé.
Les ondes Martenot
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